Sur les réseaux sociaux, le cancer du sein sans filtre
Présent sur Internet dès l'apparition des forums et blogs dans les années 2000, les témoignages sur le cancer gagnent en visibilité aujourd'hui sur les réseaux sociaux. La Croix recense ainsi près de 250.000 publications sur le cancer du sein sur Instagram. Emporter son portable dans la chambre d’hôpital et partager une dernière photo avant de subir une séance de chimiothérapie devient ainsi une manière de vaincre la solitude, "de reconstruire son identité après la rupture biographique que représente l’événement du cancer", analyse Aline Sarradon-Eck, anthropologue. Une quête qui peut aussi prendre une tournure revendicative, afin de bousculer les représentations. "Très longtemps invisibilisé, le corps diminué du malade tend à s’exposer publiquement, sans honte. Cela permet de restaurer l’estime de soi", explique Béatrice Jacques, sociologue de la santé. Non sans effets pervers cependant, car "la patiente doit faire bonne figure, malgré la perte des cheveux, des ongles et tous les effets dévastateurs de cette maladie", soulève l'experte. Les réseaux sociaux permettent aussi de créer de nouveaux liens entre patients. La Croix cite par exemple le Gang des crânes rasés, un collectif de femmes atteintes de cancer du sein présent sur les réseaux sociaux. Une libération pour beaucoup, mais qui peine encore à trouver sa place à l'hôpital. "Dans les salles d’attente, on ne se parle pas plus qu’avant. La traversée reste très pudique et repose d’abord sur l’individu lui-même", constate le sociologue Philippe Bataille.
(La Croix – 27 septembre 2022)