Les ravages de la pandémie à la lumière de la surmortalité

Les chiffres quotidiens des morts de la Covid-19 ne reflètent qu'une partie de la réalité de la pandémie, dont l'impact global, également dans sa déstabilisation des systèmes de santé, est plutôt à chercher dans les données globales de surmortalité. Selon les chercheurs israélien Ariel Karlinsky et allemand Dmitry Kobak, qui gèrent une base de données sur la mortalité mondiale, l’épidémie serait "au moins 1,6 fois plus meurtrière" que les données répertoriées, à partir d’analyses de surmortalité de 77 pays. Les trois millions de morts recensés dans le monde s’approcheraient de ce fait des cinq millions. La France est l’une des rares exceptions dans ce panorama morbide: les 65.000 morts de la Covid en 2020 y sont plus nombreux que les 55.000 décès supplémentaires qui ont porté le nombre total de morts à 654.000 pour l’année. Tandis que la Russie, qui n'a recensé officiellement que 101.000 décès liés à la Covid-19 en 2020, affiche un excédent de près de 325.000 décès sur l'année. Les traces de la pandémie en Asie et Pacifique sont très limitées: aucune surmortalité n’est enregistrée en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, à Taïwan ou à Singapour, notent les chercheurs, en regrettant toutefois l'absence de chiffres de la Chine et de l'Inde. L’Amérique du Sud en revanche pays le plus lourd tribut: avec un taux de surmortalité de plus de 100% au Pérou, et de 50 à 60% en Équateur, au Mexique et en Bolivie. D'autres études mettent par ailleurs en doute la réalité du "paradoxe africain". Là aussi, les chiffres manquent, mais l’exemple de l'Afrique du Sud est révélateur, avec plus de 150.000 décès excédentaires en un an, contre 53.000 officiellement liés à la Covid-19.

(La Croix – 14 avril 2021)