La nouvelle "falaise des brevets" accélère les mutations de l'industrie pharmaceutique

Sur les 20 médicaments les plus vendus aujourd'hui dans le monde, neuf tomberont dans le domaine public au cours de la prochaine décennie, un record dans l’industrie pharmaceutique. La plupart des grands laboratoires sont concernés. Rien qu’aux États-Unis, ces expirations de brevets devraient représenter une perte de chiffre d’affaires de 141 milliards de $ au cours des cinq prochaines années (2022-2026), contre 57 milliards sur les cinq dernières, selon IQVIA. En Europe, la baisse des ventes attendue atteint  33,3 milliards de $. Cette nouvelle "falaise des brevets", après celle des années 2012/2013, marque aussi une évolution de l'environnement, alors que la durée réelle d’exploitation d’un médicament protégé "s’est réduite en quelques années, passant de 15 à 11 ans en raison du durcissement de la réglementation et de l’allongement du temps de développement", explique au Figaro Jean-Marc Aubert, directeur général d’IQVIA France. "Cela devient encore plus stratégique pour les laboratoires d’avoir accès le plus rapidement possible au marché." En outre, pour la première fois, une part importante de ces brevets concerne des médicaments biologiques. Des bouleversements qui obligent le secteur à accélérer le rythme de l'innovation. "Ça ne laisse pas beaucoup de marge d’erreur en R&D", résume Christophe Durand, patron de la filiale française de BMS. Data et intelligence artificielle deviennent ainsi stratégiques pour optimiser l'efficacité des essais cliniques, notamment en termes de populations cibles. Autre levier des labos, la croissance externe. "Cette falaise de brevets va accélérer les fusions et acquisitions, d’autant que les Big Pharma ont les poches bien garnies, avec des milliards de $ de cash-flow disponibles", déclare Mike Levesque, spécialiste de l’industrie pharmaceutique chez Moody’s.

(Le Figaro – 26 octobre 2022)