La Cour des comptes s'attaque aux dérives budgétaires de l'Assurance-maladie

Dans son "rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale", présenté hier, la Cour des comptes dénonce une situation budgétaire incontrôlée et "insoutenable". Les chiffres sont sans appel: 10,5 milliards d'€ de déficit attendu en 2024, 17,2 milliards en 2027, "sans plus de perspective de stabilisation et encore moins de retour à l’équilibre". En cause: d’abord la branche maladie qui, avec 11,1 milliards, "porte à elle seule la totalité du déficit" et dont la Cour pointe "l’objectif non tenu de ralentissement des dépenses en 2023". Alors que le Parlement avait voté une augmentation des dépenses de santé de 3,5%, celle-ci aura été de 4,8%. Côté recettes, les magistrats pointent d'abord les niches sociales des compléments de salaires. Ces avantages, dont bénéficient certains salariés, sont exemptés de cotisations sociales et pour certains de CSG. Avec pour conséquence 8,1 milliards d'€ de perte de recettes pour la Sécurité sociale entre 2018 et 2022, note le rapport. Côté dépenses, la Cour veut d'abord enrayer la flambée des arrêts maladie, qui ont coûté 12 milliards d'€ de dépenses pour la Sécu en 2022 (+56% depuis 2017). Elle propose ainsi d'arrêter l’indemnisation des arrêts de moins de huit jours (470 millions d’économies par an attendues) ou de réduire à deux ans la durée maximale d'indemnisation, contre trois actuellement. Parmi les autres pistes proposées, une meilleure régulation des médicaments anticancéreux innovants, pour réduire leur prix plus rapidement. La Cour suggère la mise en place d’un réseau d’organismes de recherche indépendants pour évaluer les coûts et les bénéfices induits par les nouveaux médicaments. Il permettrait notamment de "renégocier le prix des médicaments anticancéreux innovants lorsque des études […] montrent des résultats inférieurs à ceux attendus", note la Cour, qui évalue les dépenses pour ces médicaments à 5,9 milliards d’€ en 2022, un chiffre qui tombe toutefois à 2,4 milliards "après déduction des remises versées par les laboratoires".

(La Croix, Le Figaro, Les Échos, Libération – 30 mai 2024)