La confiance dans le corps médical s'érode en France
Dans son supplément L'Epoque, Le Monde enquête sur la perte de confiance des Français dans le corps médical. Un scepticisme qui se renforce notamment autour de la vaccination. Selon une enquête Ipsos pour le Leem publiée en octobre 2016, seul un Français sur deux considère que la vaccination présente plus de bénéfices que de risques. Alors que les arguments des institutions de la santé en faveur de la vaccination sont de plus en plus inaudibles, le discours antivaccin, s'il reste l'apanage de groupes minoritaires, trouve davantage d'échos dans la population, notamment via Internet. Surtout, la défiance s'étend à l'égard des professionnels de santé: médecins, infirmiers, pharmaciens. "On peut parler de crise de confiance", souligne Jocelyn Raude, enseignant-chercheur à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). "C'est la poursuite d'un mouvement qui aboutit à la chute des principales figures paternalistes. Après l'éducateur et le politique, le médecin est le dernier touché". Un phénomène qui s'accélère, alors même que la "médecine n'a jamais été aussi performante dans sa capacité à traiter les maladies et à les prévenir", souligne Henri Bergeron, chargé de recherches au CNRS. Il avance trois hypothèses pour expliquer cette défiance des Français. D'abord le rééquilibrage de la relation médecin-patient. Ensuite les connaissances des patients. "C'est un lieu commun, mais le monopole de l'expertise s'est érodé, notamment avec la surabondance d'informations sur Internet, mais aussi parce que les associations de patients, apparues dans les années 1980 avec le sida, acquièrent une expertise profane qui peut défier celle des médecins". Enfin, il souligne les défaillances du système de santé: "Alors que les médecins et affiliés étaient censés agir dans le respect de la déontologie, des scandales ont révélé les intérêts de la profession médicale et de certaines industries de la santé".
(Le Monde - 8 octobre 2017)