Gestes suicidaires chez les adolescents: "Tout psychiatriser serait délétère"

Entre janvier et mars 2022, les passages aux urgences pour gestes ou idées suicidaires et troubles de l’humeur chez les 15-24 ans ont bondi de 27% par rapport à l’an dernier, selon les chiffres publiés début avril par Santé publique France. "Pour certains adolescents, vivre n’a plus rien d’une évidence, et ils sont prêts à aller jusqu’au bout, parfois avec une froide détermination", s’inquiète Ludovic Gicquel, chef du pôle universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du centre hospitalier Laborit, à Poitiers. "Ces jeunes doivent savoir qu’on peut les aider, qu’il existe des solutions." Dans son département, la Vienne, où cinq mineurs se sont suicidés entre le 1er janvier et le 15 février 2022, contre deux pour toute l’année 2021, l'unité Asap (pour as soon as possible) fait le pari d’agir "vite et fort" pour les aider à rebondir. Orientés le plus souvent par les urgences du CHU, les adolescents intègrent le dispositif 24 ou 48 heures après leur passage à l’acte. Pendant cinq demi-journées, ils sont alors encadrés par une équipe pluridisciplinaire autour d'ateliers de médiation en groupe. Dessin, danse, jeux de société: autant de "leviers" permettant à l’équipe d’évaluer la personnalité de ces jeunes et de les amener à se dévoiler. "Tout psychiatriser serait délétère", estime Damien Mallet, qui dirige cette unité. Depuis septembre 2021, cette stratégie figure dans les recommandations de la Haute Autorité de santé. Et pour cause: un an après leur passage, seulement 3 à 5% des adolescents avaient récidivé, contre 15% après une prise en charge "classique" (et 25% sans prise en charge).

(La Croix – 9 mai 2022)