Face aux pénuries de médicaments, le système D des patients et pharmaciens

Les pénuries de médicaments sont toujours nombreuses en France et obligent pharmaciens et patients à la débrouille, constate Slate. Parfois, la situation est assez simple et un princeps (médicament original) manquant peut être remplacé par son générique, ou l'inverse. Sinon, lorsque le médicament manque, il est possible d'aller chercher une autre forme galénique (comprimé, gélule, sachet, etc.) ou une posologie différente à adapter. Mais ce "jeu" de remplacements et d'adaptation "peut parfois chambouler les patients les plus âgés", prévient Sabrina Lehsaini, pharmacienne à Strasbourg. Surtout, lorsque les alternatives sont plus limitées, les substitutions deviennent hasardeuses. "Par exemple, récemment, il y a eu une rupture sur des antifongiques buccaux. Des patients ont essayé seuls de soigner leur mycose de la langue avec des huiles essentielles", raconte la pharmacienne. Habitués aux manques, les malades chroniques ont de leur côté appris à faire des stocks et à demander à leur médecin de modifier la posologie. D'autres se rationnent. "Si je ne prends pas mon traitement, je ne peux tout simplement pas aller travailler! Mais alors que l'anti-inflammatoire qui m'est prescrit est souvent en rupture, je joue beaucoup avec l'économie sur ma posologie, au détriment de ma santé", raconte Fred, qui souffre de polyarthrite rhumatoïde. Beaucoup de patients multiplient aussi les visites dans des pharmacies toujours plus éloignées. "Tu rentres dans une espèce de course où tu ne penses qu'à ton besoin. Si toi, tu arrives à avoir le médicament, peut-être que quelqu'un d'autre ne l'aura pas, ou sera en difficulté pour l'avoir: c'est particulièrement désagréable éthiquement parlant", regrette Lucie, qui se balade partout avec son ordonnance et rentre dans toutes les pharmacies qu'elle voit.

(Slate – 28 août 2023)