Covid: "Je n’ai jamais imaginé qu’on arriverait à une telle politisation de la maladie"

Aux États-Unis, la carte des nouveaux cas de Covid-19 se confond parfaitement avec celle des clivages politiques. Presque jusqu’à l’absurde. 86% des démocrates sont vaccinés, contre 60% seulement des républicains. La règle se vérifie plus encore au niveau des districts électoraux. Dans les comtés où le vote pro-Trump a dépassé les 70%, le taux de mortalité due au Covid dépasse le niveau affolant des 47 morts pour 100.000 habitants. Là où Biden l’a emporté dans les mêmes proportions, on en reste à "seulement" 10 pour 100.000. "Je n’ai jamais imaginé qu’on arriverait à une telle politisation de la maladie", déplore Tammy Ward, l’une des infirmières du Medical Center de Cookeville, dans le Tennessee, où près de la moitié des 220 lits et des 29 places de réanimation sont dévolues à des "Covid", à plus de 90% non vaccinés. "On marche sur des œufs en permanence sur un sujet qui déchire les familles, les collègues de travail… On supporte des dénis invraisemblables (…). C’est une crise. Mais je continue à entendre que le Covid, ça n’existe pas." Un témoignage qui ne suffit pourtant pas à convaincre les récalcitrants. Scotty Garrett, retraité d’une PME d’outillage de Cookeville, témoigne: "Deux de mes cousins, âgés l’un de 40 ans, l’autre d’une petite cinquantaine, sont morts du virus cet été. Mais ma belle-sœur, gavée de Fox News, refuse toujours le vaccin. Elle craint l’infertilité, les crises cardiaques, jure qu’elle se fera piquer quand tous les militaires américains seront vaccinés, puis demande d’autres garanties quand le Pentagone donne cette directive. C’est une obsession. Un rejet tripal." La chaîne d'information porte en effet une vraie responsabilité dans ses débats, souvent critiques des politiques de santé, des effets secondaires des vaccins, et où les intervenants n'hésitent pas à promouvoir l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine.

(Libération – 29 septembre 2021)